L’Ouest, en convoi et en solitaire 4/4

Go West Young Man ouvre-t-il la voie à d’autres albums collectifs ?
Hervé Richez : Je ne pense pas. Il est le résultat d’un alignement des planètes. Et a nécessité un très important investissement de Tiburce Oger. J’y ai passé également beaucoup de temps. Que Christian Rossi rende ses planches le premier, que chacun puisse les admirer a été un aiguillon pour tout le monde. L’envie, la fierté, la joie, d’être assis à côté de ces noms-là ! Tout cela a fait que le projet s’est retrouvé sur les bons rails dès l’origine.
Tiburce Oger estime que Go West vous a redonné à tous les deux un bon petit coup de pep’s, que vous vous êtes mutuellement reboostés ? Confirmez-vous ?
Au niveau de l’écriture, assurément. Grand Angle – j’y gère une centaine d’albums en cours sur trois ans – me prend beaucoup de mon énergie et j’en manquais un peu pour écrire. J’arrive cependant à coécrire quatre bouquins par an. D’humour avec Christophe Cazenove, réalistes avec Jack Manini. Et je viens d’écrire un petit roman. Pour essayer autre chose. J’arrive à un âge, la cinquantaine, où il faut expérimenter, suivre d’autres envies. Sortir de son quotidien. Mais le désir d’écrire des histoires est toujours aussi fort.
Le cinéma par exemple ? Jamais essayé ?
C’est la signature de la cession des droits audiovisuels de ma série Le Messager, six tomes dessinés par Mig, qui m’a fait changer de vie en 2004. J’ai quitté la banque pour coécrire le scénario du film avec Nicolas Cuche. La catho fantasy, dans le sillage du Triangle secret, était fort à la mode à la fin des années 90. Le film a été en préproduction, le casting était bouclé quand celui tiré du best-seller Da Vinci Code a fait plonger dans la seconde tous les projets dans cette mouvance. Dont le nôtre. Un épisode extrêmement troublant, mais utile, instructif.

“Je viens d’écrire un petit roman. À mon âge, il faut suivre d’autres envies, expérimenter…”

D’autres projets cinéma ?
Jack Manini et moi travaillons sur un sujet de comédie que nous avons bien l’intention de mener à bout. C’est doucement en train de ressembler à un traitement de film, donc nous allons probablement tenter cette voie. Une manière pour nous, aussi, de changer un peu d’air.
Bamboo – Grand Angle a amélioré le revenu de ses auteurs (Casemate 123). Avez-vous été suivi par la concurrence ?
Les auteurs travaillant avec nous ou ceux avec qui nous sommes en négociation n’hésitent pas à faire valoir à d’autres éditeurs que nos conditions de droits sont meilleures que les leurs. Donc, forcément, des ajustements se font, mais pas de manière généralisée comme nous l’avons fait, et continuons à le faire. J’ai le souvenir qu’à l’époque certains confrères nous disaient que nous ne tiendrions pas longtemps. Trois ans ont passé et nous ne sommes pas près de revenir en arrière !
Cela vous a-t-il amené d’autres auteurs ?
Disons que c’est un ensemble. La partie financière est importante, mais un auteur est avant tout un créateur, un conteur, quelqu’un qui a à cœur que son histoire soit lue, vendue, partagée. Son principal moteur est là. Et je crois, même si cela va peut-être paraître prétentieux, que les auteurs aiment bien travailler avec nous. Ainsi quand l’un d’eux m’appelle, je réponds toujours, quand on me pose une question, j’essaie d’apporter une réponse. Je crois qu’ils y sont sensibles.

“Les Oger vivent dans un univers très western quasiment magique, sympa, poétique et rigolo”

Votre expérience de la banque, lors d’une vie précédente, vous aide-t-elle dans le milieu de la BD ?
Ces deux mondes sont tellement éloignés. Les passerelles ne sont pas évidentes. Mais certains réflexes de cette époque peuvent se révéler utiles. Lors de partenariats plutôt institutionnels, par exemple avec L’Ordre de la Libération, des mairies. Mais mon job est l’encadrement de Grand Angle et l’écriture d’histoires.
Toujours collectionneur de BD et de planches ?
Les planches, j’ai arrêté en passant de l’autre côté, il y a un bon moment. Depuis, je me suis passionné pour l’histoire du vin. Un sujet que j’ai beaucoup traité sur fond humoristique. Et j’ai toujours la chance que certains de mes auteurs, certains copains m’offrent de temps en temps une de leurs planches. Il n’y a plus de place sur les murs de mon bureau. Mais pour autant j’espère qu’ils vont continuer !
Tiburce raconte que vous lui avez fait découvrir un vin bio qui, miracle, ne le rend pas malade.
Il vous a vraiment tout raconté ! C’est vrai. Un Mâcon-Villages 2013 du domaine Valette, et on a passé un bon moment ! On passe toujours du bon temps avec des passionnés. Et Tiburce est à la fois passionné et passionnant. En plus du dessin, du scénario, il peint, sculpte. Et vit dans un univers western assez extraordinaire que lui et son épouse rendent quasiment magique, sympa, poétique et rigolo.
À quand un western signé par une femme ? Depuis Jonathan Cartland de Laurence Harlé, c’est quasiment le désert.
Cela fait partie de mes envies. Une de nos auteures en avait un en tête. Elle est allée le réaliser chez Dargaud. C’est la vie !

Propos recueillis par Jean-Pierre FUÉRI
Supplément offert de Casemate n°149 – août-septembre 2021.

Go West Young Man,
Collectif, Tiburce Oger,
Bamboo – Grand Angle,
110 pages,
19,90 €,
3 novembre 2021.
Tirage luxe à 29,90 €.


Pagnol va faire des petits

Allez-vous tenir votre promesse d’éditer tout Pagnol en BD ?
Hervé Richez : Si le dieu Commerce reste avec nous, on a bien l’intention d’aller jusqu’au bout. L’ensemble est rentable, mais les ventes diffèrent selon la notoriété des titres. La Gloire de mon père se vend évidemment bien mieux que Merlusse, histoire d’un pion de lycée, plus confidentielle. Nous adoptons le rythme de deux albums par an, une œuvre très connue et une autre beaucoup moins.
Je pense qu’on ne communique pas assez sur le fait que nous sommes l’adaptateur officiel, adoubé par la famille de Marcel Pagnol. Un des écrivains français les plus reconnus au monde et, je crois, le deuxième écrivain préféré des Français. Par trop de pudeur sans doute.
D’autres projets dans cette voie ?
Nous envisageons un accord avec un ou deux éditeurs, dont nous adapterions un ou deux romans par an. Ainsi sommes-nous en grande synergie avec la PDG de Lattès et terminons l’adaptation du roman d’Olivia Ruiz, La Commode aux tiroirs de couleur. Dans le plus grand respect, car il faut que la BD soit considérée comme un média noble. Olivia a repris ses dialogues pour cet album, lui apportant sa musique propre. C’est essentiel pour montrer que la BD apporte un nouveau regard sur une œuvre. Olivia Ruiz a parfaitement compris que la musique intérieure de lecture d’une BD n’est pas tout à fait la même que celle d’un roman. Ce respect existe bien sûr aussi dans les adaptations de Pagnol ainsi que le respect absolu de ses textes. Quand, pour des soucis de rythme, il est nécessaire de changer quelques mots, nous le faisons avec Nicolas Pagnol qui a une connaissance énorme de l’œuvre de son grand-père ; Éric Stoffel, Serge Scotto, en étant les gardiens absolus du temple. Pour la petite histoire, Serge a pour grand-oncle Vincent Scotto, le musicien qui a créé bon nombre de musiques des films de Marcel Pagnol.

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