Pierre Christin, dans Rencontre sur la Transsaharienne, met les pieds sur un continent, l’Afrique, que ses personnages avaient peu fréquenté jusqu’à présent. Il y fait se croiser de jeunes Français venus du nord et de jeunes Africains allant vers le nord. Suite de l’interview parue dans Casemate 71.

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Pourquoi situer votre nouvelle histoire en Afrique ?
christinPierre Christin : Je m’en voulais un peu, j’ai écrit sur énormément d’endroits dans le monde, mais pas beaucoup sur l’Afrique. Tout simplement parce que c’est le continent que je connais le moins. J’ai donc commencé à rassembler la doc de mes quelques voyages là-bas. Puis ma compagne m’a ramené des photos d’une mission qu’elle a effectuée au Niger pour Areva, juste avant que trois membres du personnel de cette société ne soient kidnappés en 2010.
Un émigrant débarquant en Europe tombe sous les balles d’un « comité d’accueil anonyme ».
On les assassine vraiment ainsi ?
Il y a la répression institutionnelle policière des deux côtés de la Méditerranée, au Maroc comme en Espagne, mais aussi, dans beaucoup d’endroits, des groupes paramilitaires ou des milices n’hésitant pas à tirer dans le tas. Ils ne sont pas les seuls à chasser les émigrants. Tout se mélange. J’ai traîné un peu dans le rif marocain, haut lieu de la culture du cannabis. Les émigrants ne sont pas du tout le truc des trafiquants qu’ils gênent. Ils font désordre. Donc les trafiquants, qui se foutent absolument de tout, qui sont là uniquement pour faire du business, et tous ceux qui vivent de ce trafic, n’ont aucune envie de voir arriver des gardes-côtes à la recherche de clandestins, ce qui trouble leurs petites affaires. Ils font donc tout ce qu’il faut pour décourager les émigrants de venir traîner sur leurs territoires.

Attirant les contrôles, les émigrants ne sont pas bien vus par les trafiquants de cannabis. Alors…

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Beaucoup de jeunes partis à l’aventure appellent-ils au secours ?
Un ami diplomate m’a parlé de ces jeunes gens qui s’en vont dans le désert ou la forêt amazonienne, par exemple. Souvent des fils de bourgeois qui louent des 4×4 et se retrouvent dans des situations extrêmement périlleuses en Amérique latine ou en Afrique. S’ils sont enlevés, les demandes de rançon atterrissent à l’ambassade ou au consulat. Là, nos diplomates, trop souvent sollicités, se rebiffent parfois, plaidant qu’un consul n’est pas une officine de sauvetage en mer, qu’ils sont équipés que pour aider des concitoyens blessés ou malades, mais pas pour aller chercher des gamins qui se fichent dans des situations délicates. Le pire pour les diplomates, ce qui les met en rage, c’est quand les parents appellent et menacent de faire sauter leur interlocuteur s’il ne s’occupe pas illico de leur rejeton…
Quels conseils donner aux jeunes Français qui veulent faire de l’humanitaire ?
De bien choisir leur interlocuteur. Des organismes très solides, très bien gérés, font des choses excellentes. Se méfier de ceux qui affichent des frais de fonctionnement pharaoniques. En revanche, ceux qui, par exemple, construisent de petits puits ou des éoliennes permettant une agriculture vivrière, ceux qui donnent des conseils agricoles – certaines cultures se révèlent moins calamiteuses pour l’état des sols – font du très bon boulot. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour les garçons et les filles qui partent comme infirmiers, dans les camps de réfugiés par exemple.
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Comment avez-vous rencontré le dessinateur Sébastien Verdier ?
Il y a quelques années, lorsque Pif renaissait de ses cendres, son rédacteur en chef m’a demandé de collaborer au journal. François Corteggiani m’a proposé un jeune dessinateur. C’était Sébastien. Un garçon qui a de vraies convictions sociales. Il y a quelque temps, il a eu envie de retravailler avec moi. Je lui ai donc proposé une histoire un peu engagée. Qu’est-ce que l’humanitaire ? Qu’est-ce qu’une aventure au jour d’aujourd’hui ? Est-ce un enrichissement même si elle ne se déroule pas toujours aussi bien que prévu ?
Et la suite des Souvenirs de Futurs de Laureline et Valérian ?
Je l’écris avec bonheur. Il me suffit d’ouvrir mon scénario et c’est parti. Jean-Claude Mézières pourra s’y remettre dans quelque temps. Il se remet très bien d’un problème de santé. Il va donc avoir du travail sur la planche.

Propos recueillis par Jean-Pierre FUÉRI
Supplément gratuit de Casemate 71 – juin 2014.

Rencontre sur la Transsaharienne,
Sébastien Verdier,
Pierre Christin,
Dupuis,
19 €,
20 juin.

Les images sont © Dupuis.