Dans une conclusion (provisoire ?) de ses Carnets d’Orient racontant l’histoire de l’Algérie française puis souveraine, en douze tomes, Jacques Ferrandez fait l’autopsie d’un pays composé en majorité de trentenaires et dirigé par des octogénaires qui n’ont que mépris pour eux. Et où, dit-il, « des Algériennes voient avec amertume leurs filles accepter passivement ce voile qu’elles ont combattu ». Suite et fin de son interview à lire dans Casemate 167 (en vente).

Que s’est-il passé au moment de l’indépendance de l’Algérie, en 1962 ?
Jacques Ferrandez : L’armée des frontières prend le pouvoir à Alger au détriment des maquisards, pourtant en première ligne contre l’armée française. Emprisonné par l’armée française depuis 1956, l’un des neuf fondateurs du FLN, Ben Bella, apparaît comme l’homme providentiel. Mais un coup d’État, en juin 1965, porte à la tête du pays Boumédiène. Cet autre dirigeant FLN va saper les velléités gauchistes de Ben Bella. Les expériences d’autogestion de l’économie qui ne plaisaient pas aux militaires vont être stoppées.

“Des militants de gauche, souvent issus de milieux médicaux ou enseignants, viennent aider la révolution”

Qui sont ces Français qui s’installent alors que les pieds-noirs fuient en masse ?
Des militants de gauche venus se mettre au service de la révolution. La journaliste Catherine Simon, correspondante du Monde, raconte leurs destins dans un livre (1) et les appelle les pieds-rouges. J’évoque cet aspect méconnu de l’indépendance algérienne à travers le personnage d’une militante maoïste. Certains sont partis au moment du coup d’État de Boumédiène en 1965. D’autres, comme elle, sont restés plus longtemps. Beaucoup faisaient partie des milieux médicaux et enseignants.
Pourquoi qualifier l’Alger des années 60 de « capitale de la révolution » (2) ?
En acquérant son indépendance, l’Algérie devient un symbole des luttes du tiers-monde. Le pays accueille les Black Panthers et des figures révolutionnaires comme le Che Guevara. Un important festival panafricain se tient également en 1969, accueillant des artistes comme Archie Shepp et Nina Simone. Le gouvernement algérien a aussi soutenu le terroriste pro-palestinien Carlos lors de la prise d’otage du siège de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) à Vienne, en 1975, autorisant l’avion contenant les otages à atterrir à Alger. Tout cela a fini par poser trop de problèmes diplomatiques. Boumédiène a ainsi viré le bureau des Black Panthers pour ménager ses relations avec les États-Unis.

Propos recueillis par Marius JOUANNY
Supplément offert de Casemate n°167 – avril 2023.

1. Algérie, les années pieds-rouges – Des rêves de l’indépendance au désenchantement (1962-1969), Catherine Simon, La Découverte.
2. Dixit Alger, capitale de la révolution, livre de la journaliste Elaine Mokhtefi, La Fabrique éditions.

Suites algériennes 1962-2019 #2/2,
Jacques Ferrandez,
Casterman,
160 pages,
18 €,
26 avril 2023.

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