Mardi 16 mai. Dans la grande salle de projection vide de la Cité du Cinéma, deux silhouettes attentives. Jean-Claude Mézières et Pierre Christin découvrent, enfin terminé, le Valérian de Luc Besson. Pour Casemate, ils livrent leurs premières impressions.

J’y RETOURNE !

Jean-Claude Mézières : Je craignais que les bases du film s’éloignent de notre histoire. Crainte vaine, j’y retrouve beaucoup de choses du livre. Et, surtout, les rapports entre Valérian et Laureline sont bien conservés. Il leur arrive évidemment plein d’emmerdes, mais, comme ce ne sont pas des superhéros, le résultat est plutôt rigolo. J’espérais découvrir une comédie, presque à la Capra (Monsieur Smith au Sénat, Si l’on mariait papa), en référence au vieux cinéma américain des années 1935-1940, drôle et décontracté. C’est un peu cela Valérian, mais trimballé dans un milieu complètement fou. Nos créatures sont fidèlement reproduites. S’y ajoutent beaucoup d’autres, pures inventions de l’équipe du film. J’ai vu s’animer avec bonheur aussi bien les gigantesques Bagoulins que les petits et malins Shingouz.
Si, dans l’album, la violence est plutôt suggérée, dans le film, en revanche, ça castagne à tout va. Pas fana des films mitraillettes, je comprends que les rapports psy- chologiques entre les personnages ne suffisent pas à nourrir un film d’action moderne de SF. Côté décors, j’ai eu le bonheur d’en redécouvrir certains, redessinés, bien supérieurs aux miens.

Je pense qu’un réalisateur de gros machin américain n’aurait pu réaliser cette osmose avec notre univers. Besson, qui baigne dans Valérian depuis presque cinquante ans, n’a pas eu besoin de cela.

Une grosse déception cependant. Pendant deux heures, mes yeux ont filé de bas en haut et de gauche à droite pour tenter de saisir tous les détails des décors, des per- sonnages. Donc je sens que je vais accepter nombre de débats après projection, juste pour continuer à découvrir la richesse de ce premier Valérian. Qui ne décrocherait sans doute pas la Palme d’or du Festival de Cannes, mais est bien plus réussi que certains films qu’ont dû se taper les festivaliers en mai.

Une fraîcheur SÉDUISANTE

Pierre Christin : Ce fut impressionnant, nous deux, seuls spectateurs, dans cette belle salle. Enfin, face à ce film tant attendu. Une bonne surprise ! La meilleure, pour moi, fut de voir les interprètes de Valérian et Laureline.
Bien sûr, ce ne sont pas tout à fait les nôtres, mais il se dégage de leur rapport, au milieu de tous ces extraterrestres, et il y en a, de tout ce bruit et de cette fureur, une fraîcheur qui m’a complètement séduit. J’ai retrouvé, également, le discours antiraciste qui sous-tend notre Valérian. Le spectateur en prend plein la vue dans un spectacle où la violence est présente, mais jamais sanglante.

Propos recueillis par Jean-Pierre FUÉRI


Valérian et la Cité des mille planètes, réalisé par Luc Besson, avec Dane DeHaan, Cara Delevingne… 2 h 09, EuropaCorp, 26 juillet.


Réactions extraites du Casemate n°104, daté juin 2017.
Dossier de 19 pages consacré à Valérian, avec interviews de Luc Besson – dont quatre planches commentées de sa première BD parue dans Metal Hurlant ! –, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Dispo à la commande, rubrique anciens numéros.

Photo de Pierre Christin par Rita Scaglia. Photo de Jean-Claude Mézières par Sabine Leroux.

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