C’est fini. Après l’avoir créée il y a près de quarante ans dans la série Masquerouge, André Juillard dit adieu à Ariane de Troïl et rend les armes sur la prestigieuse série historique des 7 Vies de l’Épervier. Le 13e tome de la saga, à paraître en mai chez Dargaud, sera le dernier à porter sa griffe. Dans un dossier de 32 pages dans Casemate 143, le dessinateur explique les raisons de son départ. Lui et le scénariste Patrick Cothias nous font entrer dans l’intimité du travail entre un dessinateur et un scénariste au caractère aussi affirmé l’un que l’autre. Et aux conceptions parfois différentes sur l’art de mener une histoire au long cours.
Mais, déjà, le successeur de Juillard est au travail. Milan Jovanovic, dessinateur serbe tout récent quinquagénaire, a des références sérieuses. Il a signé trois tomes de la série Secrets (avec Giroud), la trilogie Jason Brice (avec Alcante) et Carthago (avec Bec). Le tome 14 des 7 Vies est annoncé pour début 2022.
Mais la saga imaginée par le prolifique Cothias, c’est aussi sept (évidemment) séries satellites, soit 39 albums qui s’ajoutent aux 16 (dont les 3 premiers Masquerouge) dessinés par Juillard. Soit un total de 55 livres, dont les ventes cumulées dépassent les 2 millions d’exemplaires (détail dans Casemate 143). Lors de la parution du tome 12 des 7 Vies en 2014, Casemate 61 avait publié un guide de lecture permettant aux petits curieux impressionnés par ce monstre hors commun de l’attaquer par différentes faces. C’est celui-ci, actualisé, que vous trouverez dans le fichier PDF, accessible ci-dessous.

Jean-Pierre FUÉRI
Supplément offert de Casemate n°143 – février 2021.

Jusqu’ici, pas touche

Ariane, version Milan Jovanovic. L’héroïne des 7 Vies n’a jamais été une gaie luronne, et ses portraits dans Casemate 143 ne contredisent pas ce sentiment. Mais on peut quand même espérer que le repreneur la rendra quelque peu plus humaine qu’ici. Redoutable privilège que de redonner vie à une héroïne du 9e art de cet acabit. À part Juillard et Marco Venanzi, qui reprit Masquerouge au tome 4, personne n’a eu cet honneur, à de rarissimes exceptions. Ainsi, Prudhomme la montre-t-il enceinte et torturée dans Ninon secrète #5 et rencontrant son fils, Molière, dans Ninon secrète #6. Marc-Renier, dans Le Masque de fer #4, montre une main tirant le bébé hors du ventre d’Ariane et, dans le tome 6, dresse un tableau naïf de la scène où des sbires enlèvent le nouveau-né. Cela sentait un brin la chasse gardée Juillard.


La langue encore plus agile ?

Léonard Langue-Agile, deus ex machina de toute cette affaire, est la pointe de fantastique que Cothias aurait bien aimé développer dans la série si André Juillard n’avait pas freiné des quatre fers. Cet être diabolique est censé tirer les ficelles de tous les personnages des 7 Vies. Avec une philosophie qu’il explique dans Ninon secrète #2 : « L’homme porte son destin autour de son cou et la femme de même. Mais prends garde Ninon, si tu marches trop vite, tu rattrapes ton malheur, si tu vas lentement c’est le malheur qui t’attrape… »
Ici, il apparaît entouré de ses compagnons habituels, un bouc noir et un épervier. Le rapace symbolise bien sûr son lien avec Ariane. « Au début, je n’aimais pas trop Léonard, raconte André Juillard. Ce personnage heurtait ma conscience rationnelle. Ensuite, j’ai évolué, jusqu’à le réintroduire moi-même dans Plume aux vents. Au cours d’une scène que n’avait pas imaginée Cothias, un chef indien du Nouveau Monde, sorte de père adoptif d’Ariane, la pousse à tuer d’une flèche un épervier en vol. Manière d’exorciser le sort qui pèse sur elle. Commentaire de Léonard : « C’est qu’ils s’y entendent pour vous déguiser un mélodrame en tragédie, si j’ose dire, élaborée. Mais j’ai des ressources. » Et de faire intervenir le terrible Taillefer… Désormais seul aux commandes du scénario, on peut imaginer que Cothias poussera désormais son personnage diabolique un peu plus à l’avant-scène.


Lever de rideau

Des décors travaillés des toits de tuiles aux ruelles boueuses, des personnages crédibles, des cavaliers aux miséreux, des animaux bien vivants du cheval au pigeon, Ariane et les autres ne devraient pas être trop dépaysés.

Les 7 Vies de l’Épervier,
Troisième époque #2, 

André Juillard, Patrick Cothias,
Dargaud,
54 pages,


14,50 €,
21 mai 2021.

2 Commentaires

  1. Maléfice ! DELABY a cassé son crayon et Murena est devenu un ersatz, PELLERIN n’arrive pas à terminer les aventures de l’Epervier au Québec et maintenant JUILLARD qui abandonne Ariane (avec raison si non la malheureuse allait devoir enfanter toutes les célébrités du XVII ème siècle nées après 1640)…

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