8 août 1956, mine de charbon du Bois du Cazier, près de Marcinelle. Une explosion déclenche la catastrophe minière la plus meurtrière du siècle en Belgique : 262 mineurs tués. Sergio Salma (Nathalie) revient sur ce drame dans Casemate 162 (en vente), et décrit la face très sombre de l’exploitation du charbon.

Pourquoi, au début du 19e siècle, a-t-on connu un tel exode des campagnes vers les mines ?
Sergio Salma : Le travail aux champs, pénible, très instable, laisse les paysans sans besogne une bonne partie de l’année. À la mine, on ne craint plus de mourir de faim, on travaille toute l’année. Mais à quel prix ! Sur tous les sites de Belgique, par jour, on compte en moyenne au moins un mort par accident. Sans compter les maladies pulmonaires. Les patrons rétorquent que tout le monde n’attrape pas la silicose, qu’elle n’est pas liée à ce travail. La Belgique sera le dernier pays à reconnaître cette maladie professionnelle, en 1963. L’histoire du charbonnage est une série de scandales oubliés.
À l’époque, la condition des mineurs est-elle déjà sujette à débat ?
Avec la montée de la classe ouvrière, de nombreux intellectuels et militants socialistes comme Karl Marx définissent les rapports d’exploitation propres au capitalisme émergent. Il analyse une époque où tout se met en marche pour que la société se base désormais sur le travail des prolétaires, qui ne détiennent pas les moyens de production industriels comme les mines de charbon et vendent donc leur force de travail contre un salaire.
Quand l’industrie du charbon décline-t-elle en Belgique ?
1956, année de l’accident au Bois du Cazier, sonne aussi le début de la fin de la puissance belge dans le monde. Le pays commence sa désindustrialisation, et perd sa principale colonie, le Congo. L’expo universelle de 1958 et son célèbre Atomium symbolisent le changement d’ère. L’exploitation du charbon, plus si rentable en Europe, perd sa raison d’être. Les sites ferment progressivement dès les années 50, annonçant les problèmes de chômage à partir des années 70-80.

“Dans toutes les mines belges, on compte alors au moins un mort par accident chaque jour”

Aujourd’hui, entre les centrales nucléaires en panne et électricité rare, pourrait-on relancer des mines de charbon désaffectées ?
Impossible, laissées à l’abandon, elles sont en trop mauvais état, il faudrait tout rénover. En Allemagne, le charbon n’est pas abandonné. À 150 km de mon domicile, dans des mines à ciel ouvert, d’énormes machines extraient à elles seules ce que des centaines d’ouvriers allaient chercher au fond des galeries il y a encore un demi-siècle. La production augmente pour faire face à la crise énergétique. États-Unis et surtout Chine restent de grands producteurs de charbon. La sortie des énergies fossiles n’est pas pour demain.
À quand remonte votre première bande dessinée sur le sujet ?
À 20-22 ans, je démarre l’histoire d’un garçon de mon âge dans ce décor post-industriel. Trente pages pas très bonnes publiées dans la revue (À suivre). Je préfère me diriger vers le journal de Spirou où je crée entre autres la série Nathalie. Toujours passionné par les mines, je me documente, accumulant photos, dessins. En 1986, je rencontre d’anciens mineurs sur le site du Cazier, dont un surnommé Le Renard du Cazier.
Qui est-il ?
Angelo Galvan, Italien arrivé en Belgique dans les années 30, travaille à la mine dès ses 14 ans. Lors du drame, on vient le chercher pour guider les secouristes. Les journaux l’appellent Le Renard du Cazier pour sa vivacité pendant le sauvetage, qui durera des jours entiers. À la retraite, il recevait souvent des curieux comme moi. Il est mort en 1988.
Vos projets ?
Je prépare, pour le journal de Spirou, un récit plus léger, sur la découverte de vingt-neuf squelettes d’iguanodons, en 1878, dans la mine belge de Sainte-Barbe. J’ai un autre projet sur la jeunesse de Vincent Van Gogh, marquée par la visite d’une mine de charbon lorsqu’il était prédicateur protestant. Anecdote évoquée dans le film de Minnelli où Van Gogh a les traits de Kirk Douglas.

Propos recueillis par Marius JOUANNY
Supplément offert de Casemate n°162 – novembre 2022.

Pays noir,
Salma,
Kennes,
56 pages
16,95 €,
dispo.

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