Ex-officier (sorti de Saint-Cyr), diplomate au Pakistan, dessinateur pour Spirou à ses heures, Hubert Maury tomba tout petit dans la marmite BD. Et réalise désormais des romans graphiques tels que Le Pays des purs où il raconte la vie d’une journaliste au Pakistan. Aujourd’hui, il publie Dissident Club – Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France (dossier dans Casemate 166). L’occasion de retrouver ambiances, paysages et personnages pour animer avec chaleur et réalisme la mise en scène de la biographie de Taha Siddiqui. Entre père islamiste pur et dur, et tueurs d’État…

Ex-militaire, ex-diplomate, mais toujours dessinateur ?
Hubert Maury : Vrai passionné de BD, lecteur compulsif depuis toujours, j’ai dessiné très tôt, bien avant de passer par Saint-Cyr, de faire une carrière militaire, puis de me tourner vers la diplomatie. De 2005 à 2008, j’ai travaillé trois ans au Pakistan au sein de la chancellerie diplomatique de l’ambassade de France. Je m’y occupais de questions politiques et sécuritaires. Même là-bas, je réalisais sporadiquement des planches pour l’hebdomadaire Spirou et des travaux de commande, de la BD jeunesse très inspirée par l’école de Marcinelle. Il fallait souvent illustrer l’éditorial de Spirou, en y intégrant le héros présenté en couverture, dans une petite histoire imaginée par Jean-Michel Thiriet. J’ai réalisé quelques planches et des récits complets que m’envoyait le rédacteur en chef. À l’époque, plutôt dans le style ligne claire. Pour le Dissident Club, à la demande de Franck Marguin de Glénat, j’ai opté pour un style plus vif, ne tirant pas trop vers le franco-belge.
Vos rencontres vous ont-elles inspiré ?
Certainement. La richesse des expériences de personnes que j’ai connues à l’étranger m’a poussé à raconter leurs parcours en BD. Mon premier album, Le Pays des purs (La Boîte à Bulles, 2017) racontait le parcours de Sarah Caron, journaliste reporter-photographe intrépide.

“Nous redoutions de n’intéresser qu’une élite de personnes passionnées par la géopolitique”

Comment avez-vous travaillé avec Taha Siddiqui ?
En amont, nous avons effectué un gros travail de débroussaillage pour dégager ce qui était important pour lui et ce qui pouvait retenir l’attention du public français. Au début, Taha pensait raconter sa vie non pas avant son exil en France, mais depuis son arrivée à Paris. Avec des flashs-back expliquant comment et pourquoi il en était arrivé là. La ligne de force était l’aventure d’un étranger découvrant un pays ne lui ressemblant pas du tout, à la manière des Lettres persanes de Montesquieu. Franck Marguin faisait la moue. Moi, j’étais assez d’accord avec Taha. Je pensais que les gens ne seraient peut-être pas suffisamment curieux pour s’intéresser à la vie d’un pakistanais. Pour Kaboul Kitchen, la série française se déroulant en Afghanistan, producteurs et auteurs se sont posé la même question au début. On redoute toujours de n’intéresser qu’une élite de gens passionnés par la géopolitique. Franck Marguin a su nous convaincre du contraire. Dans ce registre, la BD est sans doute le média le plus ouvert actuellement. Nous avons donc écrit un gros synopsis d’une trentaine de pages. Tout y était. Tout était dit.

“Le Pakistan ? Comme une odeur entêtante  de jasmin BLANC, fleur nationale symbole de pureté”

Ensuite, passage par passage, Taha m’a envoyé un développement avec descriptions et dialogues. Me retrouvant évidemment avec trop de matière, je notais les points qui me paraissaient essentiels et story-boardais jusqu’à ce que j’obtienne un récit efficace. À la fin de chaque séquence – quinze planches environ –, j’envoyais le résultat à Franck. De temps en temps, j’appelais Taha pour recadrer des détails et affiner la cohérence de certaines scènes. In fine, je passais à la réalisation (papier, encre de Chine, technique à l’ancienne). Ariane et Élise, deux amies qui travaillent dans le même atelier que moi avec des illustrateurs et le dessinateur de BD Merwan (Mécanique céleste), m’ont accompagné pour la colorisation.
Que vous reste-t-il de vos années pakistanaises ?
Beaucoup de souvenirs et de rencontres, et aussi une odeur entêtante de jasmin blanc, la fleur nationale symbole de pureté. J’avais d’ailleurs pensé intituler l’ouvrage Un parfum de jasmin blanc, mais c’eût été sans doute trop décalé.

Propos recueillis par Antoine BÉHOUST
Supplément offert de Casemate n°166 – mars 2023.

Dissident Club,
Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France,
Hubert Maury, Taha Siddiqui,
Glénat,
262 pages,
29 €,
15 mars 2023.

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