Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet, scénaristes de la trilogie consacrée à la tentation fasciste qui a traversé la France des années 30, racontent dans Casemate 132 comment ils se sont permis quelques libertés pour mieux servir leur intrigue. Damour, le dessinateur de La Cagoule, s’est plongé avec délice dans ce Paris des années 30 où grenouillent les conspirateurs d’extrême droite.

Avec les années 30, vous sortez un peu de vos mondes à la Blade Runner.
Damour : Je n’ai aucun registre naturel ! Quand on me propose un projet selon les aléas des rencontres, ce que je ne connaissais pas avant me devient vite familier.
Comment a démarré cette aventure ?
Chez Glénat – ça fait quelques années que j’y suis –, je me suis retrouvé un jour sans sujet. Benoît Cousin, l’un des directeurs de collection, m’a mis en rapport avec Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet qui m’ont proposé le projet.
Et demandé des planches d’essai ?
Non, les grandes lignes et le premier tome étaient déjà écrits. Après avoir lu mon Kennedy dans la collection Ils ont fait l’Histoire, Vincent et Emmanuel pensaient que je pouvais tout à fait faire l’affaire. Pendant un mois, j’ai fait des recherches graphiques et je leur ai soumis le résultat lors d’une première rencontre. Restait à construire un univers.

“Une capitale aux murs complètement tapissés d’affiches politiques, de propagande, de pub…”

Donc, la partie de ping-pong habituelle ?
Tout commence toujours par un synopsis, les grandes lignes d’un monde. Ils m’avaient envoyé un premier synopsis de 3-4 pages, puis un découpage dialogué du premier tome. Avec le plus d’éléments possible. Il m’arrivait de rajouter des cases, bien que leur découpage soit déjà plutôt riche de microscènes. Ils m’indiquaient un nombre de cases indicatif. Libre à moi d’en faire ce que demandait la narration. Je leur soumettais mon crayonné. On a travaillé dans un dialogue permanent.
N’y a-t-il pas de nombreuses contraintes liées au texte ?
Oui, il y a beaucoup d’informations. Les deux peuvent être très bavards sur certaines pages, mais ils sont aussi capables de ménager des séquences quasi muettes, juste pour l’ambiance. Cette alternance de périodes d’action et de moments calmes colle bien au sujet. Travaillant en binôme, ils se complètent bien. Emmanuel est très bon dialoguiste, Vincent structure le récit. Emmanuel essaie de rendre les personnages humains.
Connaissiez-vous la Cagoule ?
De manière assez floue. J’ignorais ce qu’était véritablement cette organisation secrète. Je me suis donc plongé dans cette période avant d’attaquer ce travail.
On a l’impression que vous vous êtes imprégné de Simenon, vrai ?
En termes d’ambiance oui, Simenon me parle. Je me suis beaucoup inspiré de photos de Paris des années 30. La ville n’était pas du tout aseptisée. J’ai travaillé sur des photos noir et blanc de l’entre-deux-guerres. C’est un Paris très poétique, une ville sombre, un peu glauque, vieillie, mais très graphique. Un Paris complètement tapissé d’affiches politiques, de propagande, de réclames. Beaucoup de choses passaient par l’affiche.

“Je termine le dernier tome de La Cagoule. Les trois albums paraîtront donc en moins d’un an !”

Avez-vous hésité entre la couleur et le noir et blanc ?
Non, parce qu’une BD en pur noir et blanc, c’est toujours délicat. Ou alors il faut avoir un grand talent… et un nom qui permette d’imposer ça à l’éditeur. Dès le départ, nous nous sommes tous mis d’accord pour une mise en couleurs assez sobre. Je suis très peu coloriste, j’ai toujours dessiné en noir et blanc et travaille avec des coloristes. Traditionnel, je n’ai pas pris le petit train technologique en route. Je fais mes story-boards au crayon sur du papier machine puis des crayonnés avant d’encrer au pinceau et aux feutres, je mélange, sur des formats un peu plus grands que l’A3.
Où en êtes-vous de la trilogie ?
Je termine le troisième tome. Nous gardions sous le coude les deux premiers pour mieux capter les lecteurs en publiant les trois albums en moins d’un an.
Premières ventes du premier ?
Il est sorti en octobre, donc pas encore de chiffres suffisamment précis, mais la tendance est très bonne.
Autre projet ?
Oui, avec Sylvain Runberg. Une BD de genre, façon série B action/psychologie. Mais ce n’est pas encore signé.

Propos recueillis par Antoine BÉHOUST
Supplément offert de Casemate n°132 – janvier 2020.

La Cagoule #2/3,
La Patience de l’Araignée,
Damour, Vincent Brugeas
& Emmanuel Herzet,
Glénat, 54 pages,
14,95 €, 22 janvier.

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