Alors qu’Aya de Yopougon s’apprête à revenir en librairie, après une pause de douze ans, Marguerite Abouet s’inquiète de la discorde, omniprésente aujourd’hui, et n’abandonne pas le monde de l’audiovisuel, malgré ses contrariétés.

Que représentait l’élection de François Mitterrand pour vous ?
Marguerite Abouet : En 1981, j’étais encore en Afrique. Je me souviens que les Ivoiriens étaient heureux comme s’ils étaient Français. C’était assez bizarre, il y avait des mouvements de foule à Abidjan, notamment du côté des étudiants. Je ne sais pas à quoi mes parents pensaient, mais ils étaient ravis de son élection. Quand il pleut en France, on dit que les Ivoiriens sont mouillés.
Parler d’hier dans Aya de Yopougon, est-ce parler d’aujourd’hui ?
En ce moment, le monde me fait bien peur. Venue d’ailleurs, mes parents m’ont appris le respect des autres, le goût du partage, croire en soi. Le vivre ensemble, l’intégration, la citoyenneté, l’égalité des chances sont pour moi des sujets positifs. Tout ce que j’ai appris de mes parents et de mon enfance m’a donné l’impulsion de la curiosité. C’est important, et c’est ce que je dis aux enfants dans les écoles, lorsque je viens leur parler de ma série Akissi. À partir de cette ouverture, on peut découvrir dans chaque culture ce qui fait sa séduction, sa poésie, ses énigmes… Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’on veut en faire des sujets de discorde. Et pense que c’est pour mieux détourner le regard des vrais problèmes, notamment cette politique libérale violente et très rétrograde, que ce soit aux États-Unis ou en France. Mon rôle n’est pas de m’afficher sur les réseaux sociaux, mais de raconter des histoires. Elles sont en quelque sorte mes actions.

“Ouvert, on peut découvrir dans chaque culture ce qui fait sa séduction, sa poésie, ses énigmes”

Pas dégoûtée par le difficile monde de l’audiovisuel ?
Non, j’ai même un long-métrage en préparation, dont j’assurerai la réalisation. Ce que j’aime, c’est raconter des histoires, peu importe le support, même s’il y a des techniques différentes. Pour cela, j’aime m’entourer de gens compétents dont c’est le métier, mais aussi travailler avec du monde. Sans ça, je n’aurais pas accepté de faire C’est la vie !, série télé de 92 épisodes. C’était très difficile, mais nous sommes parvenus à réaliser quelque chose de nouveau. À partir du moment où l’on a quelqu’un qui respecte votre travail, qui croit en vous, tout peut s’arranger. Mais ce n’est pas simple. En ce moment, le comédien que je voulais pour mon film nous a laissé tomber. Il faut en trouver un autre qui soit assez connu, bankable, car ça fait partie du système. Tout est tellement long dans l’audiovisuel… Mais j’ai un grand défaut : je ne désespère jamais !

Propos recueillis par Paul GINER
Supplément offert de Casemate n°160 – août-septembre 2022.

Aya de Yopougon #7,
Clément Oubrerie,
Marguerite Abouet,
Gallimard,
120 pages,
18 €,
14 septembre 2022.

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