Et rebelote ! Après le premier Happy Sex (près de 400 000 ex. vendus), Zep publie un second tome regroupant 56 histoires de fesses. Suite de l’interview (six pages dans Casemate 127) de celui qui réussit à faire du hard un délicieux moment de rigolade, sans qu’aucune parcelle de vulgarité ne se glisse jamais sous les draps. Enfin, quand il y a des draps.

Comptez-vous envoyer un exemplaire dédicacé au président du Brésil ?
Zep : Comme Jair Bolsonaro semble suivre de très près tout ce que je fais, j’imagine qu’il va l’acheter ! Grâce à son tapage – il m’a accusé de pervertir la jeunesse de son pays –, Le Guide du zizi sexuel a été réédité au Brésil. Imaginez, au 20 heures, pendant les débats d’avant l’élection présidentielle, un candidat brandissant votre bouquin devant des millions de téléspectateurs ! Dont la plupart n’ont d’ailleurs jamais entendu parler, la bande dessinée n’étant pas aussi populaire au Brésil que chez nous. Bolsonaro voulait à tout prix détruire mon album, le brûler, le vouer aux enfers. L’homme, très clivant, ne fait pas l’unanimité au Brésil. Comme Trump, une majorité relative l’adore, et l’autre le déteste. Bon, pour autant, mon Guide n’est pas devenu un best-seller là-bas ! Mais, tiens, je vais envoyer Happy Sex à Trump !
Le sadomaso, un bon sujet ?
Oui, mais cette pratique sexuelle, très minoritaire, n’est pas la plus présente dans l’album. Mon terrain préféré reste celui où s’exacerbe l’incompréhension entre les hommes et les femmes. Donc des histoires d’hétéros. À écouter mes copains homos, j’ai l’impression qu’ils se comprennent mieux, sont davantage sur la même longueur d’onde. Hommes et femmes restent deux mondes qui se rencontrent. Et au lit ça déconne grave !
Une fille pisse sur le lit, le garçon imagine qu’elle jouit intensément… Les mecs sont-ils à ce point ignares ?
Tous les hommes n’ignorent pas à ce point la sexualité des femmes, mais leur apprentissage est empirique. La plupart des gars n’ont que le porno comme approche sexuelle. Ce qui les amène par exemple à imaginer que les filles jouissent forcément s’ils les sodomisent. En la matière, la norme serait plutôt la main dans ta gueule !
La femme rit, tout s’arrête. Le rire, ennemi de la jouissance ?
Souvent. Mais éclater de rire est aussi sympa, nourrit la complicité. Sinon, ce n’est pas grave, ça tombe et ça repart ! Par contre, si les deux ne se connaissent pas vraiment, l’éclat de rire peut n’être pas très facile à surmonter.

“La plupart des gars n’ayant que le porno comme référence, la main dans la gueule n’est pas loin”

Une femme menace de dénoncer son mec sur #metoo…
J’ai trouvé ce mouvement vachement bien et suffisamment fort pour faire bouger les choses. Comme toujours, il faut aller dans l’extrême pour frapper les esprits. Les choses ne reviendront plus comme avant. Tant mieux. La manière dont certains mecs se comportent avec les femmes n’est pas possible. L’affaire Weinstein a été ultra médiatisée parce qu’il s’agissait de stars, mais a débouché sur la remise en question de comportements sur les lieux de travail. J’espère que ces situations vont vraiment changer. Nous ne sommes pas encore dans une société égalitaire.
Tous les parents souhaitent-ils des enfants hétéros ?
Il y a de tout. Ça dépend des parents, des milieux. On souhaite la sexualité la plus facile possible pour ses enfants. Tout comme on leur souhaite la meilleure vie possible. Si votre fils est homo dans un petit village, ce sera plus dur pour lui que s’il est hétéro. En ville, non. Qu’importe qu’il soit binaire, hétéro, homo, gender free… Ma génération est un peu larguée dans ces dénominations ! Mais, et c’est réjouissant, aujourd’hui, pour les 15/20 ans, ce n’est plus du tout une catastrophe. Pour ma génération, un homo allait traverser des années pas très faciles pour lui, sa famille, son entourage. Tout cela s’est bien normalisé, heureusement.
Vous montrez que vivre un fantasme peut virer dégueu.
Certains passent tout de suite à l’acte sans s’embarrasser, d’autres sont plutôt dans le fantasme. Mais les sexualités sont tellement multiples ! Prenez le plan partouze. Un fantasme rigolo qui dans la réalité, vu la logistique du truc, est assez débandant. Des hyper cool, sans blocage, sont ouverts à tout. D’autres se bloquent rien qu’en découvrant des marques de chaussettes sur une cheville. Multiplier les partenaires inconnus trouvés sur internet, avec par exemple un accent pas possible, peut être complètement rebutant. Pour moi, on entre là dans la comédie. On se retrouve de plain-pied dans Mon curé chez les nudistes !
Important, le dialogue dans des histoires de sexe ?
Certaines histoires tiennent essentiellement par leurs dialogues. Dont celle où le mec commence à dire « yeah, yeah » ! J’imagine qu’à cause des pornos, il pourrait finir par parler anglais ou allemand. Les dialogues restent un plaisir particulier dans ce genre d’histoire. On dit quelque chose que l’autre comprend différemment et au lieu de nous rapprocher, cela nous divise. Quel bon moteur comique !

“Le plan partouze, fantasme rigolo, devient dans sa réalisation, vu sa logistique, assez débandant”

Votre femme, écrivaine, participe-t-elle à vos dialogues ?
Elle est ma première lectrice, mon premier modèle. Je l’observe quand elle les lit. Si elle me dit « c’est drôle », mais ne rit pas, je sens que je ne vais pas garder l’histoire.
Une des filles est tatouée de la tête aux pieds. Des lecteurs sont-ils tatoués avec du Zep ?
J’en ai vu plusieurs. J’en découvre sur internet. C’est assez drôle. Ils se font tatouer une tête de Titeuf, la couv du premier. J’ai aussi vu deux ou trois couvertures du Guide du zizi sexuel. À ma connaissance que du Titeuf, personne ne s’est fait tatouer son copain Puduk ou leur maîtresse ! Mais si c’est le cas, qu’on me les envoie ! Je serais curieux de voir ça. Pour le moment, rien vu tiré d’Happy Sex. Quel courageux osera se faire tatouer sa couverture dans le dos ?
Montrez l’exemple !
Il n’y a pas assez de place ! Et je suis trop douillet pour supporter le moindre tatouage. Hélas. Aujourd’hui, à la plage, si l’on n’est pas tatoué, c’est qu’on est vieux !
Comment Happy Sex avait-il été reçu à l’étranger ?
Un album compliqué à exporter. Je l’ai proposé à mon éditeur américain, mais aux États-Unis, c’est impossible. Là-bas, la bande dessinée pour adulte est un registre très précis. Ce n’est pas de l’humour. Souvent limité à l’underground, le sexe y est généralement très dur, voire glauque. Une bande dessinée mainstream, avec des images explicites ? Impensable. L’album est traduit en Allemagne, en Hollande, en Espagne. Mais dans les pays où la bande dessinée est cantonnée au rayon scolaire, c’est évidemment plus complexe !
Des différences entre pays francophones ?
Non. L’accueil a été super aussi bien en France qu’en Belgique ou en Suisse. À la fois au niveau de la presse et du public. Dix ans après sa sortie, des lecteurs continuent de venir en dédicaces avec Happy Sex, m’en parlent comme d’une nouveauté. Qu’un album continue à vivre ainsi, c’est le top pour un auteur.
Nous avions soumis le premier Happy Sex à la critique d’une actrice X, Katsuni (Casemate 19)…
… devenue depuis directrice de collection chez Glénat. Je l’avais rencontrée. Elle m’avait dit tout le bien qu’elle pensait de faire rire à partir de pratiques sexuelles. Mais nous n’avions pas échangé nos téléphones. Dommage !

Propos recueillis par Frédéric VIDAL
Supplément offert de Casemate n°127 – juillet-août 2019.

Happy Sex #2,
Zep,
Delcourt,
60 pages,
17,50 €,
18 septembre 2019.

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