Fort du presque un million d’entrées réalisé par son premier film Les Vieux Fourneaux, le réalisateur Christophe Duthuron raconte, en exclusivité dans Casemate n°152, la genèse et le tournage des nouvelles aventures du trio de papys créé en bande dessinée par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet. Suite de son interview.
Après un mois de tournage, tenez-vous bien le choc ?
Christophe Duthuron : J’ai explosé le châssis ! On vient de passer une semaine très lourde. J’avais besoin d’une bonne grasse matinée pour revoir le jour.
Reverra-t-on Wilfrid Lupano en arrière-plan ?
Mieux que ça ! Dans le premier, il était juste un cycliste de passage. Là, il a un plus grand rôle avec même un peu de texte. Il protège ses Vieux Fourneaux et je suis heureux de pouvoir m’appuyer sur sa complicité chaque fois que j’ai un doute.
Savait-il qu’il jouerait ce rôle en écrivant le scénario ?
On en a convenu amicalement. J’avais envie de sa présence. Je suis d’abord un auteur, toujours agacé par le manque de considération générale envers le travail d’écriture. Donc je la place, avec son auteur, au centre du réacteur quand je passe de l’autre côté de la barrière. Je tiens à sa complicité dans tous les choix pris durant le tournage. Bien sûr, de petites choses, qui ne sont pas dans le scénario, ne relèvent pas de ses choix. Je m’insère partout où je peux, mais jamais en allant à contresens de ses idées.
Avez-vous collaboré en amont de l’écriture du scénario ?
On en a parlé, il a écrit une première version et on a finalisé ensemble la version que je tourne.
Le premier, dans ses premières versions, péchait parfois niveau rythme. Des erreurs normales de néophyte ?
Wilfrid a acquis aujourd’hui une maturité évidente dans l’écriture pour le cinéma. Nous avons écarté la tentative d’écriture lancée par la production. Ce scénario, entièrement de Wilfrid, a enthousiasmé tout le monde. Sur l’ultime version, j’ai seulement apporté mon regard, mon tempérament. Mais je n’ai ni corrigé ni rectifié quoi que ce soit. Une façon d’insérer un peu de mon univers dans le sien.
Quid des spectateurs qui n’auront pas vu le premier film ?
Toutes les intrigues sont rappelées au fil de l’action durant les dix premières minutes. Les producteurs ont fait lire le scénario à des gens n’ayant pas vu le premier film. Tous y sont entrés sans difficulté. Mais si certains veulent découvrir le premier avant le deuxième, j’en serais ravi !
“Un gosse accuse Blake d’être responsable de la mort de son père. Et c’est vrai…”
Les trois papys couvent-ils toujours autant Alice Pol ?
Sophie a cette fois une trajectoire plus personnelle. Ses scènes principales sont plutôt parallèles, et donc Alice tourne moins souvent en même temps qu’eux.
Pourquoi les envoyer dans un village perdu ?
Ses habitants essaient de retenir un peu de leur culture et de leurs souvenirs, mais se trouvent confrontés au réel qui apparaît dans leur champ de vision sous la forme de cinq émigrés. On reste dans l’ADN des Vieux Fourneaux.
Qui interprète leur maire ?
Patrick Ligardes. Il jouait dans Le Bureau des légendes. Né dans le Gers, c’est le régional de l’étape. Il retrouve ses racines et fait de Larquebuse un maire irrésistible, l’incarnation du village. Étant du Lot-et-Garonne, j’ai joué et suivi des cours de théâtre dans le coin. Et retrouvé beaucoup de gens de cette époque que j’ai fait monter dans le bateau.
Pourquoi Méliane Marcaggi, votre compagne, n’est-elle plus au casting ?
Son personnage n’avait aucune raison de revenir. Belle-Fille, film qu’elle a réalisé, est sorti pendant le Covid et s’est bien défendu. Il vient d’être nommé dans la catégorie comédie, aux European Film Awards. Nous écrivons son prochain. Les Zola qu’elle a écrit pour Dargaud a bien marché. Du coup, elle cherche un dessinateur pour sa prochaine BD.
Dans Belle-Fille, un curé dévore Lolita de Nabokov…
Aïe ! Vous m’avez reconnu ! Jouer ce rôle m’a beaucoup amusé. Mais vous ne trouverez pas ce genre de clin d’œil dans Les Vieux Fourneaux, où je suis au service de l’univers de Lupano. J’ai mis quelques choses personnelles plutôt dans le fond que dans la forme. Pour la comédie, Lupano est imbattable. Les personnages ont une langue incroyable. Je suis complètement fan de ses dialogues. Le premier film exposait les gens, leur passé, maintenant on peut jubiler en les confrontant à des situations incongrues. Les langues se libèrent. Les dialogues sont magnifiques de drôlerie.
A-t-il fallu blanchir les cheveux de Bernard Le Coq comme ceux de Roland Giraud qu’il remplace ?
Ils l’étaient déjà ! On l’a grossi, aplati ses cheveux, et rajouté quelques rides. Les trois acteurs ont presque vingt ans d’écart. Bernard Le Coq 71 ans, Eddy Mitchell 79 et Pierre Richard 87. Et on doit les croire copains d’enfance. Pierre n’a pas besoin d’être rajeuni, sa photogénie insensée suffit et son énergie fait le reste.
“Un gosse accuse Blake d’être responsable de la mort de son père. Et c’est vrai…”
Disposez-vous d’un budget plus important ?
Non. Gaumont avait envie de faire la suite, mais le Covid a créé un énorme embouteillage au niveau des sorties. Donc d’importants retards. Ne voulant pas attendre trop longtemps, nous avons trouvé un nouveau distributeur qui, n’ayant pas gagné d’argent sur le premier, nous a donné sensiblement le même budget. L’inflation des additions n’est vraiment pas d’actualité.
Quelle est la boisson préférée de vos Vieux Fourneaux ?
Reposez-moi la question en décembre, j’aurai la composition précise du cocktail en vogue sur le tournage. Chaque soir, les acteurs évoquent les dîners qu’ils projettent de s’offrir. Et, chaque matin, tout contents, ils me racontent leurs gueuletons. Le bien manger et le bien boire reste dans leurs préoccupations cardinales !
Pas de cassages d’œufs prévus sur leurs crânes ?
Non, pas de cascades. Mais on retrouve le gendarme qui, lui, va subir quelques dommages collatéraux…
Pensez-vous atteindre le million de spectateurs frôlé par le précédent ?
En période de Covid, je ne suis pas sûr qu’il soit raisonnable de l’espérer ! Mais un film, c’est une bouteille à la mer qui peut voyager loin. Les gens parlent encore à Pierre Richard de films peu connus tournés des années plus tôt.
Propos recueillis par Frédéric VIDAL
Supplément offert de Casemate n°152 – décembre 2021.
Fumeuse, la filière colombienne ?
Le premier film s’est-il bien exporté ?
Christophe Duthuron : Je n’en sais absolument rien. S’il y a un truc qu’un réalisateur ne maîtrise pas, c’est bien l’exploitation commerciale de son film. Raison pour laquelle de nombreux réalisateurs deviennent producteurs… Je sais qu’il existe un titre en anglais : Tricky Old Dogs. On m’a envoyé une photo d’affiche du film sur un cinéma colombien où j’ignorais qu’il était projeté. Je n’ai donc aucune idée de la carrière internationale du film.
Les Vieux Fourneaux 2,
Bons pour l’asile,
de Christophe Duthuron,
d’après Paul Cauuet & Wilfrid Lupano,
avec Pierre Richard, Eddy Mitchell, Bernard Le Coq,
au cinéma en 2022.