À l’occasion de la sortie de son impressionnant Super-héros, une histoire française, Xavier Fournier, rédacteur en chef du magazine Comic Box, raconte comment des personnages français dotés de superpouvoirs, parfois nés il y a plus de cent cinquante ans, et les héros des romans de prairie américains ont donné naissance Superman et à ses petits copains. Ici, il vous présente douze super-Français qui, pour des raisons différentes, valent le détour.
Le plus célèbre • Mikros (1980)
La génération Mustang. Jean-Yves Mitton, en imaginant Mikros et quelques autres débordant sur d’autres séries, a créé un univers partagé un peu plus riche que celui de Photonik et d’égale qualité. Surnommé « le titan microscopique », Mikros et ses alliés peuvent rétrécir à volonté.
Le plus violent • Fantax (1946)
Superhéros emblématique des lendemains de la Libération. Il lui arrive de décapiter ses adversaires d’un coup de sabre, et de proposer de défoncer le crâne d’un ennemi à la pioche. Mais n’oublions pas que les gens sortent de la guerre et baignent encore dans une atmosphère de violence. Du coup, certains auteurs ne se posent pas trop de questions. Problème, la censure est tombée sur les œuvres de l’époque, sans discernement, alors qu’il aurait été sans doute plus judicieux d’ajuster le tir, en affirmant par exemple que la séance de la pioche n’était peut-être pas indispensable. On a poussé les gens à arrêter de publier, balançant le bébé avec l’eau du bain. À l’approche de la loi de 1949, Pierre Mouchot a préféré saborder Fantax. Il a continué à animer Big Bill, sorte de Zorro masqué au Far West qui lui a valu plusieurs procès. Cela l’a convaincu de quitter la profession quelques années plus tard.
Le plus politique • Le Nyctalope (1911)
Pas tant pour ses nouvelles publiées pendant l’Occupation, finalement pas si choquantes que cela. En revanche, dans les années trente, le Léo Saint-Clair de Jean de La Hire s’allie aux Japonais pour contrer la menace soviétique et chinoise. L’anticommunisme se durcit et tend alors à un rapprochement avec les Allemands.
Le plus censuré • Yordi (1939)
Le faux Superman, réalisé à l’emporte-pièce par l’italien Ettore Carozzo au lendemain de la création de l’homme d’acier. Finalement interdit au bout de quelques années d’Occupation. Parce qu’il est attaqué régulièrement par de nombreux pères-la-morale, mais surtout parce que le papier se fait rare !
La plus surprenante • L’Amazone Masquée (1867)
Des témoignages publiés en 1867 par la presse du 19e siècle, assez olé olé quand il s’agissait de raconter des faits-divers, affirment la voir sur les Champs-Élysées ou au bois de Boulogne. De l’hystérie médiatique. Ou à la rigueur des copycats, des dames masquées voulant se rendre intéressantes en jouant à l’héroïne de feuilleton. Les descriptions sont toujours les mêmes, une femme masquée à cheval, en tenue noire, armée d’un sabre avec, je crois, un rapace comme emblème. Ça ne vous rappelle rien ? Le personnage de Sylvia, dans Le Pacte des loups, interprétée par Monica Belluci dans le film de Christophe Gans.
Le plus surprenant • L’homme qui voit à travers les murailles (1913)
Imaginé par Guy de Téramond. Le plus étonnant n’est pas le pouvoir, plutôt banal, mais le fait que le personnage ne sait pas quoi faire de ce pouvoir.
La plus méconnue • L’Oiselle (1909)
Une nana imaginée par René d’Anjou (le pseudo d’une dame). Elle vole au-dessus de Paris en combinaison noire et ailes de chauve-souris, et ignore complètement ce qu’est la peur. Quelques mots sont un peu vieillots, des passages un peu rapides, mais on ne peut lire ses aventures sans se dire : « Mais quelle BD, quel film cela ferait ! »
Les plus satyriques • Superdupont (1972)
Avec un bémol. La plupart des lecteurs voient le personnage de Gotlib comme une parodie des superhéros américains alors qu’il est bien davantage une parodie de la vie française de l’époque.
• Supermatou (1975)
Personnage de Pif Gadget créé par Jean-Claude Poirier. Sa tenue tient à la fois de Superman et de Batman, en rouge et bleu. Déguisé en chat, il vole au-dessus de la ville. Un peu stupide, il a un chien, Robert, qui lui aussi vole et est bien plus malin. On y trouve un certain voisinage avec les Peanuts.
Le plus émouvant • Le Roi Mystère (1908)
Gaston Leroux imagine une sorte de leader de la pègre des catacombes avec un petit côté Robin des Bois, faisant rendre gorge aux élites corrompues. À la fin du roman, on découvre que tout ce qu’il croyait sur sa propre vie était faux. Qu’il a été victime de son bienfaiteur. Celui-ci, un adorateur du Comte de Monte-Cristo, a pourri la vie de ce gamin pour qu’il devienne, dans la vraie vie, une sorte de Monte-Cristo. Une mise en abîme rigolote.
Mes deux superchouchous • Super Boy (1958)
Trois cents épisodes appréciés par les connaisseurs, mais souvent boudés chez les marchands de journaux. J’en sais quelque chose ! Môme, en le voyant, je me disais que ce truc-là pouvait être suédois ou anglais, mais sûrement pas français ! Je ne daignais l’acheter que lorsqu’il ne restait rien d’autre à se mettre sous la dent en kiosque. M’y replongeant plus tard, j’y ai trouvé plein de choses super sympas signées Félix Molinari.
• Fulguros (1947)
Imaginé par Claude Ascain et dessiné par René Brantonne. Un personnage qui, comme Fantômas, n’a aucune limite. Dès qu’il rencontre un problème, il rentre dans son labo, se charge en énergie et bonjour les superpouvoirs. Il peut voler, émettre décharges et ondes sensorielles, manie le lance-flammes à l’occasion. Sa durée de vie est courte, ce qui fut le drame de la plupart de tous ces personnages qui n’eurent, hélas, pas le temps de s’installer auprès du public.
Propos recueillis par Jean-Pierre FUÉRI
Supplément gratuit de Casemate 77 – janvier-février 2015.
Super-héros, une histoire française,
Xavier Fournier,
Huginn & Muninn,
39,95 €,
dispo.