Vingt-neuvième album de la série ! Les scénaristes Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet, dont c’est le premier opus, et le dessinateur Antoine Aubin, dont c’est le retour, racontent dans Casemate 163 (en vente) comment ils ont transformé Mortimer en un monstre prêt à tuer, et Blake, en tenue excentrique, démêlant une affaire bien tordue dans le Berlin séparé en deux par le Mur de la honte. Berlin qui se prépare à accueillir le président Kennedy. Il leur restait à revenir sur leurs conditions de travail. Sept ans de réflexion…
Comment avez-vous travaillé sur cet album ?
Jean-Luc Fromental : De la première idée à la livraison du scénario, il s’est écoulé moins de dix-huit mois. On élabore le récit en discutant, puis José-Louis écrit un premier jet qu’on se renvoie mutuellement jusqu’à en être satisfaits. Une méthode très naturelle, avec un plan narratif préétabli assez précis. Quand l’un émet une objection, l’autre l’écoute et propose une solution de compromis qui puisse plaire aux deux. Jamais eu le moindre désaccord ni querelle d’ego. On se connaît depuis trop longtemps pour cela.
José-Louis Bocquet : Nous avons écrit les dernières pages chez moi, à Fécamp, où Jean-Luc séjourne quinze jours par an pour qu’on travaille ensemble. D’autres auteurs y sont passés, comme Yslaire et Ugo Bienvenu. Certains s’y sont carrément installés, comme Bastien Vivès et Blutch. On y a vécu le premier confinement avec Catel. D’où un petit tirage chez Aire Libre, Pendant ce temps à Fécamp… qui réunit tous leurs dessins réalisés durant cette période. C’est également là-bas que Christophe Blain a écrit le premier tome de Gus, il y a des années.
“Nous avons voulu créer un récit dense, sans réfléchir aux difficultés graphiques d’Aubin…”
Savez-vous qui est à l’origine de telle ou telle idée de scénario ?
Pas du tout ! Il est passé par différentes étapes toutes écrites à deux : un pitch de deux lignes, un synopsis de deux pages, puis un séquencier chaque fois validés par l’éditeur. On a voulu s’amuser avec nos jouets d’enfants, mettre nos expériences de scénaristes au service d’un plaisir enfantin. Pensant n’écrire qu’un épisode, nous tenions à y inclure tout ce que nous appréciions, à commencer par Olrik.
Fromental : Dans beaucoup d’albums de la série, Blake avec son flegme britannique a souvent tendance à passer au second plan par rapport à Mortimer, dont la personnalité est plus marquée. Nous avons donc décidé d’écrire le récit en trois parties égales, l’une avec Blake, l’autre avec Mortimer, et la dernière où le duo se retrouve.
Votre collaboration pour cet album a débuté en 2015. Pourquoi l’album a-t-il mis sept ans à sortir ?
Antoine Aubin dessine et surtout pense comme Jacobs. Une légende raconte que ce dernier est resté coincé six mois sur Les Trois Formules du professeur Sato parce qu’il cherchait la documentation sur une poubelle japonaise. Pour finalement constater qu’elle est semblable à celles de Bruxelles ! Leur scrupule fait la qualité de leur dessin. Mais demande du temps. D’autant que nos planches comportent onze ou douze cases minimum. Sans compter la foule de Berlinois qu’on lui a imposée pour la scène du discours de Kennedy. Huit heures à Berlin devait être le vingt-cinquième de la série. C’est finalement le vingt-neuvième, mais l’album n’en est que plus réussi.
Bocquet : Nous n’avons pas ménagé Aubin, cherchant à créer un récit dense sans réfléchir aux difficultés graphiques. Résultat : il n’y a pas une case moins intéressante que les autres. Le bonheur des scénaristes de bande dessinée est de découvrir chaque planche achevée par le dessinateur. C’est encore plus plaisant que de tenir l’album imprimé entre les mains.
Propos recueillis par Marius JOUANNY
Supplément offert de Casemate n°163 – décembre 2022.
Les Aventures de Blake et Mortimer #29,
Huit heures à Berlin,
Antoine Aubin, José-Louis Bocquet & Jean-Luc Fromental,
Blake et Mortimer,
62 pages, 16,50 €,
dispo.