Sur un story-board de David B., Éric Lambé (Paysage après la bataille, Fauve d’Or 2017), issu de la BD indépendante des années 1990, s’attaque à un roman d’aventures dans un cadre colonial du 16e siècle. L’histoire d’un Européen adopté par une tribu amazonienne qui va lui faire l’insigne honneur de ne pas le manger. Les deux auteurs racontent l’aventure dans un dossier de six pages publié dans Casemate 181. Suite et fin.

Comment en êtes-vous venu à collaborer avec David B. ?
Éric Lambé : Il y a douze ans, lors d’un festival à Saint-Pétersbourg, David m’a proposé une histoire de gangster. Nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente. En 2016, à l’occasion d’une expo au Centre Pompidou, nous avons collaboré sur une histoire courte dans un recueil hommage à René Magritte. Par la suite, je lui ai proposé de réaliser ensemble un livre sur les tribus amazoniennes. J’imaginais un récit contemporain s’intéressant aux tribus vivant toujours à l’écart du monde moderne. David m’a alors parlé d’un scénario situé au début de la colonisation européenne au 16e siècle. Au bout d’un an ou deux passés à se documenter sur le sujet, son story-board fut prêt en 2022. Il me l’a fourni par paquet de quatre ou huit pages. Je l’ai très peu modifié. La précision de son découpage ne me permettait pas de rajouter, par caprice, des grandes images.
On ne vous attendait pas sur un sujet pareil !
David et moi sommes issus de la BD indépendante des années 1990, lui côté L’Association, moi côté FRMK. Les attachées de presse de Casterman prévoient plein de choses pour la promotion de cet album. Et je ne suis pas habitué à ce genre de machine de guerre ! J’appréhende donc un peu cette sortie.

“J’ai toujours pensé que rester dans un seul pan de la bande dessinée, c’est s’enfermer” – Éric Lambé

Content de changer de genre ?
J’ai toujours pensé que rester dans un seul pan de la bande dessinée, c’est s’enfermer. Avec Antipodes, nous proposons une approche de la bande dessinée plus conventionnelle que nos travaux précédents. Pour séduire un large public, Casterman présente notre livre comme un récit à la fois classique et moderne. Et dans un format traditionnel. Sa belle texture de papier, son dos rond font le lien avec les BD d’il y a un siècle.
Votre dessin sur Antipodes n’est-il pas, lui aussi, entièrement inédit ?
Convaincu que le projet fait naître la forme graphique, je propose un style de dessin différent à chacun de mes livres. Il s’impose de lui-même dès que je m’attelle aux premières pages. Ici, je me confronte pour la première fois à un récit d’aventures. Il a donc fallu que je réenvisage toute mon approche de la bande dessinée, comme la composition, en jouant avec des codes plus conventionnels. Ma référence principale pour Antipodes reste Winsor McCay, l’auteur de Little Nemo. Sur Facebook, quelqu’un a noté que je propose un mélange Hergé-McCay, plus réaliste que le premier. Je suis plutôt intéressé par la ligne claire. Je me suis aussi demandé comment dessiner les Tupinambas sans être caricatural, sans en donner une vision trop exotique, tout en permettant au récit une part de fantaisie.
Vos projets ?
Avant de m’atteler à Antipodes, j’avais débuté un livre en écriture automatique pour FRMK. Avant d’abandonner, trouvant ces planches très mauvaises. Je les ai finalement ressorties du placard il y a quelques mois et j’ai changé d’avis… Autre projet en route, un épais récit d’anticipation avec la scénariste Loo Hui Phang.
David B. : Je travaille sur Monsieur Chouette, gros livre pour L’Association. Je me base sur une histoire courte que j’avais publiée dans la revue Lapin : une jeune fille qui a peur de son ombre rencontre une figure mythologique qui l’emmène dans l’au-delà pour qu’elle dépasse cette peur.

Propos recueillis par Marius JOUANNY
Supplément offert de Casemate n°181 – juillet-août 2024

Antipodes,
Éric Lambé, David B.,
Casterman,
106 pages,
22 €,
28 août 2024.

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